18/12/2017
la déclaration...
photo wl
Elle marche devant
Parmi les mouettes
Qui s’envolent
Elle ramasse
Des galets qu’elle empoche
Ou bien je la devine
Petite au bord de l’eau
Depuis la digue
Où je parle dans le vent
Pour lui dire
Que je l’aime
Sans quelle comprenne
Mon geste auquel
Elle répond
Comme la vague à la vague
D’avant
Qui fait luire les schistes de
La plage et ronge
Les plaques en cuivre
Sur les immeubles de notables
Et je la vois
Après tant et tant de tempêtes
Bonnes ou mauvaises
Le corps
Roulé à moitié nu
Dans la chemise qu’elle refuse
Dormir souriante
A j’ignore quoi qui fait sa main
Douce
Me chercher sous le drap
Et ses pieds dépasser
De la couette
Où chez les gisantes
Nobles dames
Se tenait sage l’animal préféré
Nous roulions
Dans des trains au long cours
Penchés l’un contre
L’autre
Sur la dure banquette de bois
Bercés sans autre bagage
Que notre amour
Et le sac de montagne en cuir
De nos souffles
Aux bretelles longues et usées
Contre l’épaule creuse
Et la poitrine
Tout le temps je te répétais la
Même chose :
«Que la montagne est belle
Entre tes seins »
« Pericolo sporghesi » ou non
Je ne comptais plus
Depuis longtemps les poteaux
Télégraphiques
Qui se perdaient dans l’infini
Tu pleurais parfois
Quand je rentrais ivre
D’une bataille perdue
Contre moi ou en colère
Contre celui qui ne se révolte
Plus et meurt assassiné
Alors tu taisais
Farouche sous
Tes jupes de cotonnades
Indiennes
Et ton pull trop ample et noir
La peine
Qui dévaste
Et la peur
De ne donner pas assez
Quand je venais
Laper ta bouche
Comme le chat perdu
Son bol de lait frais à ta lèvre
Il y eut
Un temps
L’emmurement muet
Des accès les plus secrets
De ta panique
L’écouvillon brutal
De la parole
Et le retour
Comme les sous-marins font
Surface
Au milieu du bouillonnement
D’amour
Il y eut nos morts les tiens et
Les miens
Dans la yole fragile
De la douleur commune
Il y eut
Le lierre rapide des enfants
Sa houppelande
Epaisse à nos épaules l’hiver
Elle écrit dit qu’il faut
Que ce n’est pas facile
Mais que sans ça Le soleil
Est un soleil d’automne
Sur un lit de feuilles mortes
Où rien ne pousse
Elle écrit Me fait lire
Et je frissonne
Comme l’étalon à la barrière
Qui vient chercher
La main qui s’imprime légère
Sur les naseaux
Et caresse l’encolure
T’ai-je déjà dit cela que je ne
Dis qu’à toi
Tandis que l’homme
Prépare et passe au karcher
De la mémoire
Le sang promis aux abattoirs
Le café coule
La nuit recule
L’aube grignote la biscotte
De l’ombre
Et je compare debout
A la fenêtre le lourd remugle
La cicatrice étoilée
Encore chaude
Du lit où nous dormions
Avec l’encens humide
Du monde
Où tu surgis chaque jour
Comme un jardin
Promis aux voluptés tendres
De l’étreinte innocente
D’un « bonjour mon amour »
J’ai de la chance
Malgré tant de mes poèmes
De te savoir en colère
Contre famines
Guerres et persécutions des
Plus pauvres
Et qu’à l’enseigne du poème
Tu apprennes
A tes élèves à reconnaître la
Beauté des choses
Le chant qui rend l’âme libre
Et les corps souverains
Les femmes t’aiment
Et les hommes restés
Des galopins aux chaussettes
Trouées sur les chevilles
A cause de l’amour si difficile
Ton pas
Dans l’escalier tranquille
Du vieil immeuble
De Montmartre
Où nous vivons parmi
Beaucoup Ta façon
De tourner la clé et nous qui
Nous levons d’un bond
Tous deux moi et le chat
Qui dormait
Et jusque tard
Le bruissement des pages
Lues sous la lampe Tandis
Que Je m’approche pour
Éteindre
Que la pluie tambourine
De l’ongle
Contre les vitres et
Qu’on entend passer
Les avions de ligne clignotant
Qui foncent vers l’obscur
Elle aime
La feuille et l’arbre le tronc
Aussi
L’œil le regard
Et même la paupière
Elle aime parce que d’autres
Ont tant besoin
D’aimer
Elle aime la mer et la rosée
Tout ce dont la mort
Ne veut pas
Qui s’éloigne
Et qui danse
Avec l’osier qu’on tresse
Parmi les vents sauvages qui
Ont des anses
D’arc-en-ciel !
Des ailes d’anges
Tombées comme des pétales
Bien que
Les anges on ne les voit jamais
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