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20/04/2017

vient de paraître...

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l'Âne qui butine

isbn 978-2-919712-14-4

 

Ball-trap lu par  Jean-Claude Bologne

 

           Pull ! Ball trap ! Circulez, il n’y a rien à voir ! » Ainsi se résume la mort d’Angélique, la grand-mère maternelle. « Elle disparut de ma vie comme une cible d’argile explosée en plein vol. » Mais n’est-ce pas l’exercice favori de la Mort, de s’entraîner au tir au pigeon avec des disques d’argile, tout autour de nous, avant de tirer le coup de grâce, le seul qui nous concerne ? Avec l’âge, on la voit de plus en plus experte au maniement de son arme. Les parents, les amis tombent comme éclatent les petits plateaux jetés en l’air sous le fusil du chasseur. Il y a du mémorial dans ce long récit en prose — exercice rare pour le poète — où s’alignent les morts de son histoire. Le grand-père qui meurt en plein milieu de son nom inachevé. La mère enterrée par un ancien amant thanatologue avec son petit chien sacrifié comme jadis les serviteurs des grands. Le beau-père médecin qui prédit paisiblement sa disparition dans les quatre ans. Et Bauchau, Bhattacharya, Zabor, Lamy, et Babette, « qui désormais restera jeune à jamais »...


          Face à l’hécatombe régulière, mais qui accélère son rythme, si l’on ne veut s’abandonner à un désespoir ou une révolte également stériles, il n’y a que l’acceptation de l’inéluctable. Se réveiller en pleine nuit « conscient que tout est comme cela doit, pourvu que je ne m’en mêle pas ; porté par une sorte de Mer Morte où l’on ne peut que flotter ». Il y a alors une jouissance de la beauté pure, « dont l’évidence ne s’appuie sur rien ». Il y a celle qui dort à nos côtés, « qui m’enveloppe du rythme léger de sa respiration ». Comme le résume von Knapheyde, qui anime la collection Xylophage à l’Âne qui butine : « est sujet à l’errement / des plus créatifs de l’inconditionnel / celui qui / entre l’Éros et le Thanatos / croque l’os et son alter ego / in vivo / Ball-trap à prendre ou à aimer. » C’est entre Éros et Thanatos que Werner Lambersy nous entraîne dans un parcours apparemment erratique sur la mer de ses souvenirs. Et l’on ne peut que songer aux Dernières nouvelles d’Ulysse, un de ses recueils les plus accomplis : comme le héros grec errant de Thanatos (Troie) à Éros (Pénélope), comme son avatar irlandais Leopold Bloom, errant de la mort au sexe, au cœur de Dublin, le « je » de ce récit erre dans la mémoire de Werner Lambersy, entre souvenir révolté des disparus (comme Tyll Ulenspiegel, les cendres de Claes battent sans fin sur sa poitrine) et présence émerveillée aux vivants.


          « Devant la mort, j’ai toujours dressé la brutale vérité de la chair, la chaleur des corps. » Les femmes aimées traversent le récit avec le même sans-gêne désordonné que la camarde. N’y cherchons pas une logique dont le monde qui nous entoure n’a que faire. N’y cherchons pas plus un itinéraire construit que dans l’Odyssée. On se laisse ballotter d’image en image, de fulgurances en naufrages, car le poème n’est pas le « gluant papier tue-mouche » qui arrête dans sa course « la guêpe ou l’abeille du beau ». Il faut lui laisser son rythme, son souffle, son vol incohérent, qui pour l’observateur attentif se révèle une danse. À condition qu’il se laisse flotter sur lui comme sur la Mer Morte.


          Un court recueil de poèmes, Je me suis fait un non, est annexé à cette odyssée de la mémoire. Daté d’un voyage vers Malte dans un conteneur, en 2014, il semble à première vue étranger au récit. Mais lui aussi fouille à rebrousse-mémoire « dans le vieux / coffre à jouet du / Temps »...

 

 

00:45 Publié dans Parutions | Lien permanent | Commentaires (0)

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