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16/11/2017

coup de gueule...

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Georges Eeckhoud   par   Félix Vallotton

 

Histoire véridique du totalitarisme religieux ordinaire et de la répression impitoyable du libre-esprit à travers la révolte des loïstes d’Anvers pour en dénoncer le danger jusqu’à nos jours…

 

Il y a des livres qui viennent à leur heure et d’autres dont c’est l’heure à toutes les époques, tant la piqûre de rappel qu’ils représentent nous enjoint à résister, à nous opposer à la pandémie récurrente des ensoutanés, des enturbannés de toutes sortes et autres parleurs de Thora et à travers, au profit de la Toge et du Képi pour le compte des insatiables de l’or et de l’ordre par la force. Sans parler des pouvoirs qui interdisent et refusent les fastes de la chair (Benoît XVI prônant l’abstinence en réponse au sida), la « vénusté corporelle » ( détournée par la publicité en goujaterie putassière), et l’innocence édénique (tournée en ridicule par une « peopolisation » médiatique galopante), s’affolant de voir s’affranchir, avec « la volupté, enfant sublime de l’âme et de l’amour », la liberté, « la bonté et la charité, première des beautés morales ». C’est le cas de cette superbe et bienvenue réédition des libertins d’Anvers de Georges Eekhoud, publié en 1911 et en français, comme la plupart des textes des pères fondateurs flamands de notre littérature francophone. Elle est préfacée par un Raoul Vaneigem en pleine forme, dont l’angélisme futuriste, la lucidité critique et le don rare du pamphlétaire ne désarment jamais, et font courir sa prose comme un jeune étalon dans les prairies verdoyantes du verbe. La rigueur historique de la documentation et du commentaire nous porte à nous souvenir que Truman Capote avec De sang froid n’avait rien inventé et que, malgré une pointe de lyrisme parfois daté, Georges Eekhoud reste un précurseur dans beaucoup de domaines : « coming out », le premier en Belgique, pour l’homosexualité ; son ton, entre Shakespeare et Courteline (les démêlés entre Loïet, Dillette, Peer et les autres, la torture et les exécutions) , où il aura brocardé et combattu la «  belgeoisie bourgeoise » ; son régionalisme ouvert entre polders et Campine, illustrant la phrase de Torga : « l’universel, c’est le local sans les murs » ; son individualisme farouche refusant toute soumission au naturalisme d’un Zola (pourtant à la mode), comme au programme nationaliste de la Jeune Belgique ; et même son anarchisme fondamental qui l’amènera à se séparer du socialisme d’un Picard (dont il gardera, hélas, un certain antisémitisme quand il parle des juristes judaïques). Tout cela en fait un sacré bonhomme qui jamais ne s’est vu dans le rôle d’un écrivain consacré ni dans la peau d‘un révolutionnaire, bien qu’il n’eut cesse de se battre pour la reconnaissance des plus déshérités, on dirait aujourd’hui des exclus. Nous n’oublierons pas, pour notre plus grand plaisir, que chez lui le style n’est pas une obscénité, que la beauté est le seul obstacle véritable aux dictatures et que la seule obscénité est de n’être pas totalement et inconditionnellement soi-même…

 

                                                                                               Werner Lambersy

 

00:29 Publié dans inédits | Lien permanent | Commentaires (0)

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