22/03/2019
Comme s'agitent les seaux au fond des puits (fragment)
ill. jlmi 2019
Mesdames messieurs
nous entamons la descente
tout le monde sait ça
depuis la naissance
ceux
qui ne sont pas tranquilles
ont droit à un bonbon
les autres se penchent aux
hublots pour
voir le terrain d’atterrissage
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18/12/2017
la déclaration...
photo wl
Elle marche devant
Parmi les mouettes
Qui s’envolent
Elle ramasse
Des galets qu’elle empoche
Ou bien je la devine
Petite au bord de l’eau
Depuis la digue
Où je parle dans le vent
Pour lui dire
Que je l’aime
Sans quelle comprenne
Mon geste auquel
Elle répond
Comme la vague à la vague
D’avant
Qui fait luire les schistes de
La plage et ronge
Les plaques en cuivre
Sur les immeubles de notables
Et je la vois
Après tant et tant de tempêtes
Bonnes ou mauvaises
Le corps
Roulé à moitié nu
Dans la chemise qu’elle refuse
Dormir souriante
A j’ignore quoi qui fait sa main
Douce
Me chercher sous le drap
Et ses pieds dépasser
De la couette
Où chez les gisantes
Nobles dames
Se tenait sage l’animal préféré
Nous roulions
Dans des trains au long cours
Penchés l’un contre
L’autre
Sur la dure banquette de bois
Bercés sans autre bagage
Que notre amour
Et le sac de montagne en cuir
De nos souffles
Aux bretelles longues et usées
Contre l’épaule creuse
Et la poitrine
Tout le temps je te répétais la
Même chose :
«Que la montagne est belle
Entre tes seins »
« Pericolo sporghesi » ou non
Je ne comptais plus
Depuis longtemps les poteaux
Télégraphiques
Qui se perdaient dans l’infini
Tu pleurais parfois
Quand je rentrais ivre
D’une bataille perdue
Contre moi ou en colère
Contre celui qui ne se révolte
Plus et meurt assassiné
Alors tu taisais
Farouche sous
Tes jupes de cotonnades
Indiennes
Et ton pull trop ample et noir
La peine
Qui dévaste
Et la peur
De ne donner pas assez
Quand je venais
Laper ta bouche
Comme le chat perdu
Son bol de lait frais à ta lèvre
Il y eut
Un temps
L’emmurement muet
Des accès les plus secrets
De ta panique
L’écouvillon brutal
De la parole
Et le retour
Comme les sous-marins font
Surface
Au milieu du bouillonnement
D’amour
Il y eut nos morts les tiens et
Les miens
Dans la yole fragile
De la douleur commune
Il y eut
Le lierre rapide des enfants
Sa houppelande
Epaisse à nos épaules l’hiver
Elle écrit dit qu’il faut
Que ce n’est pas facile
Mais que sans ça Le soleil
Est un soleil d’automne
Sur un lit de feuilles mortes
Où rien ne pousse
Elle écrit Me fait lire
Et je frissonne
Comme l’étalon à la barrière
Qui vient chercher
La main qui s’imprime légère
Sur les naseaux
Et caresse l’encolure
T’ai-je déjà dit cela que je ne
Dis qu’à toi
Tandis que l’homme
Prépare et passe au karcher
De la mémoire
Le sang promis aux abattoirs
Le café coule
La nuit recule
L’aube grignote la biscotte
De l’ombre
Et je compare debout
A la fenêtre le lourd remugle
La cicatrice étoilée
Encore chaude
Du lit où nous dormions
Avec l’encens humide
Du monde
Où tu surgis chaque jour
Comme un jardin
Promis aux voluptés tendres
De l’étreinte innocente
D’un « bonjour mon amour »
J’ai de la chance
Malgré tant de mes poèmes
De te savoir en colère
Contre famines
Guerres et persécutions des
Plus pauvres
Et qu’à l’enseigne du poème
Tu apprennes
A tes élèves à reconnaître la
Beauté des choses
Le chant qui rend l’âme libre
Et les corps souverains
Les femmes t’aiment
Et les hommes restés
Des galopins aux chaussettes
Trouées sur les chevilles
A cause de l’amour si difficile
Ton pas
Dans l’escalier tranquille
Du vieil immeuble
De Montmartre
Où nous vivons parmi
Beaucoup Ta façon
De tourner la clé et nous qui
Nous levons d’un bond
Tous deux moi et le chat
Qui dormait
Et jusque tard
Le bruissement des pages
Lues sous la lampe Tandis
Que Je m’approche pour
Éteindre
Que la pluie tambourine
De l’ongle
Contre les vitres et
Qu’on entend passer
Les avions de ligne clignotant
Qui foncent vers l’obscur
Elle aime
La feuille et l’arbre le tronc
Aussi
L’œil le regard
Et même la paupière
Elle aime parce que d’autres
Ont tant besoin
D’aimer
Elle aime la mer et la rosée
Tout ce dont la mort
Ne veut pas
Qui s’éloigne
Et qui danse
Avec l’osier qu’on tresse
Parmi les vents sauvages qui
Ont des anses
D’arc-en-ciel !
Des ailes d’anges
Tombées comme des pétales
Bien que
Les anges on ne les voit jamais
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16/11/2017
coup de gueule...
Georges Eeckhoud par Félix Vallotton
Histoire véridique du totalitarisme religieux ordinaire et de la répression impitoyable du libre-esprit à travers la révolte des loïstes d’Anvers pour en dénoncer le danger jusqu’à nos jours…
Il y a des livres qui viennent à leur heure et d’autres dont c’est l’heure à toutes les époques, tant la piqûre de rappel qu’ils représentent nous enjoint à résister, à nous opposer à la pandémie récurrente des ensoutanés, des enturbannés de toutes sortes et autres parleurs de Thora et à travers, au profit de la Toge et du Képi pour le compte des insatiables de l’or et de l’ordre par la force. Sans parler des pouvoirs qui interdisent et refusent les fastes de la chair (Benoît XVI prônant l’abstinence en réponse au sida), la « vénusté corporelle » ( détournée par la publicité en goujaterie putassière), et l’innocence édénique (tournée en ridicule par une « peopolisation » médiatique galopante), s’affolant de voir s’affranchir, avec « la volupté, enfant sublime de l’âme et de l’amour », la liberté, « la bonté et la charité, première des beautés morales ». C’est le cas de cette superbe et bienvenue réédition des libertins d’Anvers de Georges Eekhoud, publié en 1911 et en français, comme la plupart des textes des pères fondateurs flamands de notre littérature francophone. Elle est préfacée par un Raoul Vaneigem en pleine forme, dont l’angélisme futuriste, la lucidité critique et le don rare du pamphlétaire ne désarment jamais, et font courir sa prose comme un jeune étalon dans les prairies verdoyantes du verbe. La rigueur historique de la documentation et du commentaire nous porte à nous souvenir que Truman Capote avec De sang froid n’avait rien inventé et que, malgré une pointe de lyrisme parfois daté, Georges Eekhoud reste un précurseur dans beaucoup de domaines : « coming out », le premier en Belgique, pour l’homosexualité ; son ton, entre Shakespeare et Courteline (les démêlés entre Loïet, Dillette, Peer et les autres, la torture et les exécutions) , où il aura brocardé et combattu la « belgeoisie bourgeoise » ; son régionalisme ouvert entre polders et Campine, illustrant la phrase de Torga : « l’universel, c’est le local sans les murs » ; son individualisme farouche refusant toute soumission au naturalisme d’un Zola (pourtant à la mode), comme au programme nationaliste de la Jeune Belgique ; et même son anarchisme fondamental qui l’amènera à se séparer du socialisme d’un Picard (dont il gardera, hélas, un certain antisémitisme quand il parle des juristes judaïques). Tout cela en fait un sacré bonhomme qui jamais ne s’est vu dans le rôle d’un écrivain consacré ni dans la peau d‘un révolutionnaire, bien qu’il n’eut cesse de se battre pour la reconnaissance des plus déshérités, on dirait aujourd’hui des exclus. Nous n’oublierons pas, pour notre plus grand plaisir, que chez lui le style n’est pas une obscénité, que la beauté est le seul obstacle véritable aux dictatures et que la seule obscénité est de n’être pas totalement et inconditionnellement soi-même…
Werner Lambersy
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08/03/2017
en dehors & autour
ill.jlmi 2017
Je pèse ma mort
Sur la balance imprécise
D’un vendeur d’aspirines
Et de parfum bio
J’ôte deux kilos
Pour le duffel-coat anglais
Mouillé
Mes chaussures italiennes
Et le reste
Venu de la Chine populaire
La vie fait trembler l’aiguille
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